À l'honneur de sainte Marguerite, vierge et martyre
Informations diverses
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Paroles
Rare beauté, perle sans prix,
Incomparable Marguerite,
Ne traite pas avec mépris
Cet esclave de ton mérite ;
Prends pour époux ton gouverneur,
De qui dépend ton vrai bonheur.
Mon vrai bonheur dépend de Dieu,
À qui je me suis dévouée ;
Dites-moi promptement adieu,
Je ne veux point être louée :
J’ai plus à cœur de vivre aux champs
Que dans la Cour parmi les grands.
Je te conjure d’accepter
Le parti que je te présente,
Et je te ferai respecter,
En qualité de gouvernante ;
Tu jouiras de mes trésors,
Et de tous les plaisirs du corps,
Donnez à quelqu’autre qu’à moi
L’or et l’argent de tous vos coffres ;
Je ne saurais trahir ma foi,
En acceptant vos belles offres :
Tous vos discours sont superflus ;
Allez, Seigneur, n’y pensez plus.
Je suis épris de la beauté,
Beau chef-d'œuvre de la nature ;
Ne méprise pas ma bonté,
Ménage ta bonne aventure ;
Pourvu que ton cœur soit à moi,
Le mien ne vivra que pour toi.
Mon cœur est tout à Jésus-Christ,
Je ne brûle que de sa flamme ;
Lui seul occupe mon esprit,
Lui seul est l’objet de mon âme :
Pour lui seul je veux tout souffrir,
Est pour lui seul je veux mourir.
Mon cœur ne peut se rebuter,
Encor que le tien se rebute ;
Perle, rends-toi sans disputer,
Avant que je te persécute :
Si tu ne m’aimes à ton tour,
Ma haine suivra mon amour.
Je n’appréhende aucun tourment,
Mon époux m’aidant de ses grâces ;
Ne feins plus d’être mon amant,
Je me moque de tes menaces ;
Déchire et brûle tout mon corps,
Et fais-moi souffrir mille morts.
Il n’est plus temps de déguiser,
Obéis aux lois de l’empire ;
Autrement, sans temporiser,
Je vais t’exposer au martyre :
Tu vas voir quelle est ma fureur,
Si tu n’es souple à l’Empereur.
C’est à la loi de mon époux,
Que je rends mes obéissances ;
Mon cœur ne craint point ton courroux,
Et mon corps brave les souffrances ;
Je foule aux pieds ce que tu dis,
Ton Empereur et ses édits.
Qu’on fasse nager dans le sang
Les membres de cette inhumaine,
Qu’on lui déchire tout le flanc,
Que l’on la brûle et qu’on la gêne :
Frappez, bourreaux, de toute main,
N’ayez pour elle rien d’humain.
Oliberius, tu perds ton temps,
Tu n’auras jamais l’avantage
Que je rende tes vœux contents,
Ni que je perde le courage ;
Fais tout l’effort que tu pourras,
Malgré toi tu te lasseras.
Qu’on aille la mettre en prison,
Et que de ma part on la presse,
Pour la ranger à la raison,
Ou par menace, ou par promesse ;
Si son orgueil ne se rend pas,
Je saurai bien la mettre à bas.
Grand Dieu, dont le soin paternel,
Guéris en moi toute blessure,
Faites que ce dragon cruel
Crève à mes pieds et qu’il y meure ;
Que votre Croix soit contre lui,
Mon boulevard et mon appui.
Marguerite, réjouis-toi
D’avoir remporté la victoire :
Souffre encore un peu pour la foi,
Regarde l’éternelle gloire ;
Tes tourments prendront bientôt fin,
En dépit de l’esprit malin.
Adore nos dieux immortels,
Par qui tu viens d’être guérie ;
Offre l’encens à nos autels,
De peur que je n’entre en furie ;
Si tu méprises leurs bienfaits,
Tu n’en échapperas jamais.
Je sais fort bien, sans tes avis,
À qui j’en dois rendre grâces ;
C’est à Jésus, pour qui je vis,
Et de qui seul je suis les traces :
Pour tes faux dieux, muets et sourds,
Je les détesterai toujours.
Il est temps de venger nos dieux,
Ô langue exécrable et maudite !
Tous tes discours injurieux
Méritent qu’on te décapite :
Mais avant qu’on donne le coup,
Tu souffriras encore beaucoup.
Tes travaux sont presque finis,
Vaillante et divine Amazone ;
Tous tes bourreaux seront punis,
Et tu recevras la couronne :
Quitte la terre, monte au Ciel,
Pour y changer l’absinthe en miel.
J’ose, grand Dieu, vous demander,
Avant qu’on me tranche la tête,
Que votre cœur daigne accorder
À tous mes dévots leur requête ;
Montrez combien vous êtes bon
À qui réclamera mon nom.
Je condescends à tes souhaits,
Je veux que ton mérite éclate ;
Je ne refuserai jamais
Ceux qui t’auront pour avocate ;
Ton nom en tout temps, en tout lieu,
Sera puissant auprès de Dieu.
Combattez, sur terre et sur mer,
Illustre sainte Marguerite,
Le démon, le monde et la chair,
Et gardez-nous de mort subite.
Surtout secourez promptement
Les femmes en l’enfantement.
Références
Sur l'air : Je suis un Prince bienheureux.
Rapporté par Laurent Durand dans Cantiques de l'âme dévote en 1759, page 182 (Lire en ligne (réédition))
Coirault : 08909 Cantique de sainte Marguerite, Laforte : VI, E-07 À l'honneur de sainte Marguerite, vierge et martyre