Défi RéOralisation/Résultats

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Voici la synthèse de la délibération du jury du Défi RéOralisation 2023.

Merci à Marlène Belly, Robert Bouthillier et Éric Desgrugillers pour leur travail précis.

Ordre d’apparition des enregistrements sur la page Wikitrad

Type 1 – Diligente bergère Type 2 – Adieu Bordeaux Type 3 – Jacquelino
  1. Marie
  2. Brigade d’intervention mainote (BIM)
  3. Josette Gibaux et Atelier chants Galaor
  4. Les Maraudeuses (duo Marie Fa & Cecylka)
  5. Groupe vocal Calla
  6. Atelier de danses bzh Lycée Les Fontenelles
  7. Chat’zou
  8. Didier Pelaprat
  9. Ruby Bergère
  10. Marion Blanchard
  11. Rémi Ségard
  12. François Rémond
  13. Duo Alice & Suzanne
  1. François Rémond
  2. Josette Gibaux
  3. Josette Gibaux
  4. Rémi Ségard
  5. Adrien Delbart
  6. Didier Pélaprat
  7. La Mouette
  8. Josette Gibaux
  9. Alice
  10. Marion Blanchard
  11. Claire Favillier
  12. Sophie Lannay & Caroline Génard
  13. Marie-T. Bach
  14. Anouk Albert
  1. La Mouette
  2. Didier Pélaprat
  3. Alice

Au total, le Défi a généré 30 propositions de mélodies émanant de 19 groupes ou individus différents.

  • 1 personne a proposé quatre mélodies (une pour Diligente bergère, trois pour Adieu Bordeaux)
  • 2 personnes en ont proposé trois (une pour chaque chanson)
  • 4 personnes en ont proposé deux (3 Diligente/Bordeaux, 1 Bordeaux/Jacquelino)
  • 12 personnes ou équipes n’ont fait qu’une seule proposition (7 Diligente, 5 Bordeaux)

En faisant abstraction des groupes de réponses où on ne peut pas distinguer les individualités, donc en ne comptant que les solistes, les duos et les meneurs/meneuses à danser, il y a eu des propositions mélodiques émanant de 18 femmes et 5 hommes, réparties comme suit :

  • Solo : 8 F / 4 H
  • Meneur + réponse (groupe) : 6 F / 1 H
  • Duo : 3 x 2F
  • Groupes de réponse : 6 équipes différentes (toutes dans « Diligente bergère »)

Synthèse des différentes prestations résumant les formations, les arrangements et les systèmes mélodico-rythmiques

Défi Réoralisation-Synthèse-v3-finale.jpg

Quelques constats émanant de ce panorama général

Sans surprise, Diligente bergère, en fonction de la fonction à danser qui lui a été dévolue, monopolise l’ensemble des propositions « chant à répondre ». À une exception près, les meneuses sont des femmes. Globalement, la participation féminine domine d’ailleurs largement l’ensemble du « Défi » (18 contre 5). Coïncidence ou explication systémique ? Difficile d’apporter une réponse mais ce constat mérite peut-être réflexion...

Peu de personnes ou d’équipes se sont risquées à « arranger » leur proposition (accompagnement instrumental, harmonisations vocales). Cette démarche implique une compétence supplémentaire et sans doute seul.e.s celles et ceux qui emploient déjà ce genre d’approche dans leur pratique du chant et qui en maîtrisent les techniques s’y sont risqué.e.s. De toute façon, le « Défi Réoralisation » était d’abord de proposer une ou des mélodies pour des textes pour lesquels nous n’en connaissions pas, et l’interprétation et a fortiori les arrangements n’étaient pas au cœur de l’exercice, même si on ne peut pas totalement en faire abstraction quand il s’agit d’apprécier comment une mélodie peut être au service du texte et faire corps avec lui.

Structurellement, les mélodies proposées correspondaient pour la plupart à ce que nous pourrions appeler une « esthétique traditionnelle », même si ce concept reste extrêmement difficile à définir. En caricaturant à grands traits, disons simplement qu’il n’y a eu aucune proposition qui donnait l’impression d’appartenir à l’univers du jazz, du rock, de la pop ou de la variété... La grande majorité des participants ont ainsi montré leur maîtrise, ou du moins leur familiarité avec les éléments esthétiques « naturels » qui caractérisent l’univers de la musique et du chant de tradition orale.

Les systèmes mélodiques employés se répartissent différemment selon les formes poétiques des chansons proposées : Diligente bergère, dans sa fonction à danser, a généré autant de mélodies en mode majeur qu’en mode mineur (7 vs 6) ; par contre, et pour des raisons difficiles à identifier, le texte d’Adieu Bordeaux a inspiré beaucoup plus de mineur que de majeur (11 vs 2, une proposition passant de l’un à l’autre). Pour Jacquelino, l’échantillon est insuffisant pour permettre de percevoir une tendance pour la chanson occitane. Sur le plan métrique, la subdivision interne des pulsations oscille assez équitablement entre une forme binaire (2/4) et une forme ternaire (6/8). Diligente bergère, chanson à danser, entraîne nécessairement une métrique franche ; en revanche, Adieu Bordeaux, par son caractère moins narratif et sa structure poétique (coupe de 8 vers) permettait plus de liberté rythmique, et six des propositions sont interprétées sans métrique affirmée, forme d’interprétation fréquemment rencontrée dans la chanson de tradition orale. En somme, le fait que le Défi ait privilégié trois formes aussi différente a permis une diversité d’approches esthétiques qui s’est bien exprimée dans les résultats de l’exercice.

Compte tenu de la relative simplicité des moyens disponibles – une échelle diatonique s’exprimant naturellement dans un ambitus qui dépasse rarement l’octave –, de l’univers esthétique dans lequel ces sons s’inscrivent, produisant le plus souvent des cellules musicales proches du cliché, et des contraintes spécifiques associées aux trois chants proposés – contrainte rythmique pour Diligente, poétique pour Bordeaux et linguistique pour Jacquelino – le résultat d’ensemble est étonnamment varié. Il montre déjà une multiplicité de stratégies de composition : certain.e.s ont composé un nouvel air ex nihilo, d’autres ont choisi un timbre préexistant dans le stock de mélodies qu’ils connaissaient, d’autres encore, plus ou moins consciemment, on convoqué des cellules musicales qui leur étaient familières et qu’ils ont recombinées en se demandant si l’air obtenu existait déjà quelque part dans leur mémoire..., ceci entraînant une grande variabilité de formules mélodico-rythmiques proposées. À cette diversité s’ajoutent des formes d’interprétation variées – solo, duo, réponses, arrangements, libertés rythmiques – qui en élargit la palette. Le tout forme un ensemble à la fois cohérent et varié, ou on sent toute l’inventivité qui a pu s’exprimer entre adaptation et création : on sent bien à l’écoute de l’ensemble que la plupart des participants manifestent une réelle familiarité avec l’univers musical et les processus mis en œuvre dans la tradition orale et que celle-ci fonctionne toujours, entre fidélité à des formes préexistantes et reformulation de celles-ci dans de nouvelles propositions dont il reste maintenant à vérifier le potentiel de réappropriation par d’autres oreilles. Reste juste à continuer de les chanter... La seule réserve que nous ayons ressenti tient à une disparité dans ce qui relève de l’intonation du chant, c'est-à-dire de la cohésion entre le mouvement mélodico-rythmique et l’articulation de la poétique : certain.e.s ont privilégié des « effets » rythmiques, en particulier pour ce qui est de la place de l’accent tonique ou encore de l’utilisation un peu trop systématique de syncopes, qui ne se sont pas toujours avérés très heureux, en regard bien sûr de ce qu’on entend habituellement quand on fréquente le répertoire de tradition orale de l’univers franco-roman.

Le travail et les choix du jury

Face à cet ensemble très riche, disons qu’il n’a pas été simple pour les membres du jury de faire un choix « hiérarchisé » pour établir des « lauréats », choix qu’il aurait fallu étayer sur une évaluation et un classement qui ne pouvaient s’appuyer sur aucun critère réellement objectif. Le jury a donc procédé non pas à un « classement », mais à un écrémage, chacun ayant établi sans concertation préalable une liste des trois ou quatre mélodies qui leur semblaient être les mieux abouties pour chacune des trois chansons. La mise en parallèle de ces pré-choix individuels a fait ressortir des convergences, et le choix des « coups de cœur » collectifs s’est naturellement établi sur le fait qu’une même proposition ait été retenue par les trois membres du jury.

Ont donc été retenus cinq « lauréats coup de cœur », deux pour Diligente bergère, deux pour Adieu Bordeaux, et un seul (compte tenu de la taille de l’échantillon...) pour Jacquelino.

Les coups de cœur du Défi Réoralisation 2023 sont, par ordre d’apparition sur la page Wikitrad et non pas par classement hiérarchique :

Diligente bergère : Chant’Zou (écouter) et Marion Blanchard (écouter)
Adieu Bordeaux : Josette Gibaux (écouter) et Rémi Ségard (écouter)
Jacquelino : Alice et Suzanne (écouter)

Par ailleurs, le jury tient à décerner un coup de cœur général à Alice (avec et sans Suzanne) qui a été la seule, sur trois propositions musicales, à avoir été retenue par les trois jurés dans leurs pré-choix.

Il souhaite également souligner la performance de Ruby Bergère (1.09), seule « non-adulte » à s’être risquée à proposer une composition.

Et bien sûr, il félicite l’ensemble des participants pour leur création et leur interprétation qui toutes sont méritantes à un titre ou l’autre. Il a été sensible à toutes les interprétations, même si quelques-unes étaient plus fragiles, saluant en particulier le courage qu’il aura sans doute fallu à celles et ceux qui ne sont pas coutumiers de chanter en public ou en « concours », pour partager publiquement leur création mélodique et l’interprétation qu’ils-elles en ont réalisée.